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    Les éléphants

    Elephant II, technique mixte, 140 x 140 mm ©Isy Ochoa 2013.

    Les éléphants

    Le sable rouge est comme une mer sans limite,
    Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
    Une ondulation immobile remplit
    L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.

    Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repus
    Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues,
    Et la girafe boit dans les fontaines bleues,
    Là-bas, sous les dattiers des panthères connus.

    Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile
    L'air épais, où circule un immense soleil.
    Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil,
    Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle.

    Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
    Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
    Lés éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes
    Vont au pays natal à travers les déserts.

    D'un point de l'horizon, comme des masses brunes,
    Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
    Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
    Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes.

    Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps
    Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine
    Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine
    Se voûte puissamment à ses moindres efforts.

    Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche,
    Il guide au but certain ses compagnons poudreux ;
    Et, creusant par derrière un sillon sablonneux,
    Les pèlerins massifs suivent leur patriarche.

    L'oreille en éventail, la trompe entre les dents,
    Ils cheminent, l'oeil clos. Leur ventre bat et fume,
    Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume ;
    Et bourdonnent autour mille insectes ardents.

    Mais qu'importent la soif et la mouche vorace,
    Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ?
    Ils rêvent en marchant du pays délaissé,
    Des forêts de figuiers où s'abrita leur race.

    Ils reverront le fleuve échappé des grands monts,
    Où nage en mugissant l'hippopotame énorme,
    Où, blanchis par la Lune et projetant leur forme,
    Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs.

    Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent
    Comme une ligne noire, au sable illimité ;
    Et le désert reprend son immobilité
    Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent.

                                                              Charles-Marie Leconte De Lisle (1818-1894)

    Les éléphants

    Elephant, technique mixte, 140 x 140 mm ©Isy Ochoa 2013.

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    L'âne

    Deux ânes, technique mixte, 140 x 140 mm ©Isy Ochoa 2013.

     

    J’aime l’âne…

    J’aime l’âne si doux
    marchant le long des houx.

    Il prend garde aux abeilles
    et bouge ses oreilles ;

    et il porte les pauvres
    et des sacs remplis d’orge.

    Il va, près des fossés,
    d’un petit pas cassé.

    Mon amie le croit bête
    parce qu’il est poète.

    Il réfléchit toujours.
    Ses yeux sont en velours.

    Jeune fille au doux cœur,
    tu n’as pas sa douceur :

    car il est devant Dieu
    l’âne doux du ciel bleu.

    Et il reste à l’étable,
    fatigué, misérable,

    ayant bien fatigué
    ses pauvres petits pieds.

    Il a fait son devoir
    du matin jusqu’au soir.

    Qu’as-tu fait jeune fille ?
    Tu as tiré l’aiguille…

    Mais l’âne s’est blessé :
    la mouche l’a piqué.

    Il a tant travaillé
    que ça vous fait pitié.

    Qu’as-tu mangé petite ?
    — T’as mangé des cerises.

    L’âne n’a pas eu d’orge,
    car le maître est trop pauvre.

    Il a sucé la corde,
    puis a dormi dans l’ombre…

    La corde de ton cœur
    n’a pas cette douceur.

    Il est l’âne si doux
    marchant le long des houx.

    J’ai le cœur ulcéré :
    ce mot-là te plairait.

    Dis-moi donc, ma chérie,
    si je pleure ou je ris ?

    Va trouver le vieil âne,
    et dis-lui que mon âme

    est sur les grands chemins,
    comme lui le matin.

    Demande-lui, chérie,
    si je pleure ou je ris ?

    Je doute qu’il réponde :
    il marchera dans l’ombre,

    crevé par la douceur,
    sur le chemin en fleurs.

    Francis JAMMES
    Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir"
     
     

    L'âne

    Baudet, technique mixte, 140 x 140 mm ©Isy Ochoa 2013.

     
     
     
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  • Ecrivaine,
    Secrétaire de Louis Jouvet
    Résistante, déportée à Auschwitz-Birkenau (n°31660)
     
     

    Charlotte Delbo (1913-1985)

     

    Aucun de nous ne reviendra

    de Charlotte Delbo (Extraits)

    « Il y a des gens qui arrivent et des gens qui partent. Mais il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent. Une gare où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. (...) Ils ne savent pas qu’à cette gare-là on n’arrive pas. Ils attendent le pire - ils n’attendent pas l’inconcevable ».
     Source : http://www.babelio.com/auteur/Charlotte-Delbo/41540
    liens :
    http://www.charlottedelbo.org/
    http://delbo.gandi.ws/

    Charlotte Delbo (1913-1985)

     

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  • bonne année 2013

    Etoile et moi vous souhaitons une excellente année 2013.

    Amicalement,                                                      isy ochoa XXX

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